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Benoît Lefèvre, Compositeur Indépendant de Musiques de Films

Désormais, pour mes futurs portraits, j’ai décidé de me focaliser uniquement sur les travailleurs indépendants, celles et ceux que je connais déjà ou que je rencontre lors de mes déplacements entre la France et la Pologne. Je ne vous cache pas que cet axe sera beaucoup plus enrichissant et inspirant au quotidien pour moi. Après tout, peut-être que ces profils vous inspireront tout comme moi et vous aideront à faire le grand saut (si ce n’est pas déjà fait) ! 

Pour ce deuxième portrait, j’ai posé quelques questions à Benoît Lefèvre, compositeur, producteur et violoniste indépendant. Il mène ses projets musicaux depuis la France, compose des musiques pour des films et des médias. L’une de ses dernières réussites, la composition de la musique du trailer de The Legend Of Tarzan, comptabilisant plus de 14,3 millions de vues sur Youtube.

Ton parcours ? Qu’est-ce qui t’as donné l’envie de consacrer ta vie à la musique ?

J’ai grandi dans un univers musical: mon père était prof de guitare et nous a transmis – ma sœur, mon frère et moi, sa passion pour la musique. On écoutait de tout à la maison: Ravel, Schönberg, Bach, les Beatles, Gainsbourg… J’ai gardé de cette époque une curiosité musicale, un état d’esprit qui ne m’a jamais quitté ; ado, mon plus grand plaisir, c’était de traîner à la bibliothèque municipale et de repartir avec le maximum autorisé de CD choisis purement par hasard ! Mon parcours, c’est purement celui d’un musicien classique: violon, analyse, harmonie, piano, composition dans plusieurs conservatoires: Nantes, Toulouse, Paris… Après mes études, je suis devenu professeur en conservatoire, activité que j’ai exercée pendant quelques années. Au niveau de la création, je ne me souviens pas de l’âge auquel j’ai commencé à composer… je ne me suis jamais posé la question. J’ai l’impression d’avoir toujours fait ça.

Ta vie de compositeur indépendant se passe bien ?  Qu’est-ce qui t’as donné envie de te mettre à ton compte ?

L’idée me hantait depuis longtemps et j’ai récemment décidé de sauter le pas. J’ai pendant des années combiné mon travail de compositeur et mes emplois fixes : d’abord en tant que professeur puis en tant que music manager pour une plateforme de streaming. Pour le moment, je dirais que je suis dans la phase la plus excitante de ma carrière en freelance. Je prends mes marques, je rencontre de nouveaux partenaires et une bonne masse de boulot en perspective !

Comment travailles-tu ? Est-ce que tu t’installes des routines ?

Avant d’aborder un nouveau projet, je prends le temps de me l’approprier, que ce soit de la vidéo, un brief, etc. Je le lis/visionne plusieurs fois avant de tester des dizaines d’options différentes, sans essayer de prendre de décisions trop hâtives quant au style, à l’instrumentation. La vidéo c’est assez naturel. Pas toujours facile, mais souvent le tempo, l’énergie, l’atmosphère s’imposent d’eux-mêmes. Par contre, travailler à partir d’un brief est souvent beaucoup plus complexe. Dans la majorité des cas, celui qui le rédige n’est pas musicien. Il faut donc essayer de lire entre les lignes, décoder. Souvent, je demande un maximum de références musicales afin de mieux cerner le l’idée.

Tu fais de la prospection ? Si oui, quelle est ton approche ?

Dans le milieu de la musique à l’image, les différents acteurs de l’industrie sont ultra sollicités. La compétition est rude ! Les A&R sont débordés (certains reçoivent en moyenne 300/400 mails par semaine). J’essaie d’éviter les campagnes de mailing impersonnelles. Pour moi, il faut juste s’adresser à la bonne personne, au bon moment. En plus, les agences de création et les superviseurs musicaux aiment avoir un feedback positif sur leurs crédits, leurs rosters. Je suis toujours sincère lorsque je prospecte, alors je m’adresse plus souvent à des gens qui ont des affinités musicales assez proches des miennes. Et une dernière chose: rien ne vaut une rencontre en chair et en os. Je me rends à des festivals et colloques spécialisés aussi souvent que possible.

Pour toi, quelles sont les qualités requises pour être à son compte ?

  1. Aimer ce qu’on fait plus que tout. C’est un peu bateau mais personnellement, je ne pourrais jamais me motiver à travailler sur des projets qui ne m’emballent qu’à moitié.
  2. Une bonne connexion internet (je sais, ce n’est pas à proprement parler une qualité, mais c’est fondamental)
  3. Avoir le sens de l’organisation (j’y travaille encore).

 

Ce que tu aimes par dessous tout dans ton métier ? Ce qui t’animes au quotidien ?

Le processus de création, le fait de voir une idée prendre forme petit à petit. Il y a toujours la même excitation lorsque j’entends pour la première fois un projet terminé.

Tu bosses sur quoi en ce moment si tu peux en parler ?

Là, maintenant, je suis sur un projet de documentaire. Il y est question d’animaux et de grandes quantités d’eau.

La musique que tu as composée et dont tu es le plus fier ?

Une courte pièce pour violon et orchestre à corde: A Cradle Song. C’est assez sombre, presque effrayant, très inspiré de la musique traditionnelle suédoise. Paradoxalement, c’est l’un de mes travaux qui m’a pris le moins de temps. J’adore ces moments là dans le processus de création, lorsque les idées s’imbriquent naturellement.

Tu penses quoi de la musique aujourd’hui ? Qu’est-ce qui te saoule et à l’inverse, qu’est ce que tu trouves top ?

Le contexte actuel de l’industrie musicale est hallucinant. On a accès à tout, gratuitement, instantanément. Ce qui a un effet paradoxal pour le public, car d’un côté c’est une ouverture culturelle extraordinaire, d’un autre côté les algorithmes sensés améliorer « l’expérience utilisateur » chez les géants du streaming nous enferment dans une bulle, une « catégorie » au sein de laquelle la découverte et le hasard n’existent plus. Mais il y a des plateformes comme Bandcamp qui continuent à grandir de jour en jour. Je suis fan de cette plateforme, vraiment ! Elle donne du poids à la musique indépendante.

Si tu devais donner un conseil à n’importe quel musicien, ça serait lequel ?

Je lui conseillerais de ne jamais dévaluer/brader sa musique. La bonne musique a de la valeur.

Ton artiste préféré ? Celui que tu connais par cœur.

Jóhann Jóhannsson, un compositeur islandais, malheureusement mort prématurément en février dernier.

T’écoutes quoi en ce moment ?

Nico Muhly, compositeur américain, minimaliste. Pas mal de Flying Lotus aussi.

C’est quoi tes outils de travail ? Une journée de composition chez toi, ça se passe comment ?

J’ai un équipement assez minimaliste mais efficace : un Mac, une paire de Focal, une carte son Universal Audio, claviers et contrôleurs divers, quelques bons micros, mon violon. Au niveau DAW je travaille sous Logic Pro X et quelques gigas de samples. Mes favoris: les Spitfire, surtout pour les cordes. La journée de travail dépend surtout du type de projet, mais globalement je suis dans mon studio du matin jusqu’au soir. Je ne vois pas le temps passer lorsque je suis sur un projet, c’est parfois assez effrayant…

Tu vas ou tu viens de participer à des événements en rapport avec ton domaine d’activité ?

Oui ! J’ai participé fin mai 2018 au Film Music Festival de Cracovie. C’est l’un des plus grands festivals de musique de film en Europe. J’y étais déjà en 2016. J’avais justement eu l’occasion d’y rencontrer mon compositeur favori, Jóhann Jóhannsson. C’était une expérience inoubliable.

Pour finir, tu préfères… Écouter tous les jours du Keen’V ou ne plus jamais écouter de musique jusqu’à la fin de ta vie ?

Et bien écoute, va pour un peu de Keen’V tous les jours. Sinon, je ne pourrais jamais renoncer à Katy Perry.

Un endroit où l’on peut te contacter facilement ?

Mon site web : benoitlefevre.com

Merci Benoît ! 👌

 

👉 Plus de portraits avec Alexandre Pauleau, Consultant Social Media chez ISOBAR France.

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